L’enfer est pavé de bonnes intentions
Emmanuel Macron est un homme lucide. Victorieux, il n’a pas encore gagné. Il compte de très nombreux ennemis acharnés à sa perte sur tout l’échiquier politique et s’il ne parvient pas à les neutraliser, son élection à la Présidence de la République aura été un feu de paille avant un long hiver pour la France.
L’Europe est soulagée. La France a choisi l’Europe. La catastrophe a été évitée. Mais le boulet est passé très près et les canons europhobes sont à nouveau prêts à tirer. « Le président Macron ne vivra qu’un été si l’Europe continue à regarder les inégalités se creuser », a averti Béatrice Delvaux dans le Soir
Le premier déplacement du nouveau président sera pour Berlin. Une rencontre à haut risque avec Angela Merkel. Ils sont nombreux en France a se préparer à le caricaturer en caniche de la chancelière, dépeinte comme la patronne de l’Europe. « De toute façon la France sera dirigée par une femme : ou moi, ou Mme Merkel ». Marine Le Pen savait que cette pique ferait mouche dans l’imaginaire des Français. L’image a collé à François Hollande.
Emmanuel Macron doit donc convaincre les Allemands de l’urgence de travailler ensemble pour relancer vraiment l’Europe. Il peut réussir. Angela Merkel et son inflexible grand argentier Wolfgang Schauble ont compris que la France était un baril de poudre qui pouvait faire exploser l’Europe et qu’il y a donc urgence à couper les mèches du mécontentement. Mais Emmanuel Macron doit montrer à Berlin qu’il est en mesure d’imposer aux français des réformes difficiles du marché du travail, de la fiscalité et du système social. Elles sont réclamées pour assainir ses comptes, enrayer le chômage et redonner de la compétitivité aux entreprises de l’hexagone. C’est le prix pour rétablir le crédit de la France.
« La tâche est immense et elle imposera de continuer à être audacieux», a-t-il souligné dans son premier discours après sa victoire. « Ce ne sera pas tous les jours facile », a-t-il ajouté.
Jeune homme ambitieux et opportuniste, Emmanuel Macron a des troupes, mais pas d’appareil. « En Marche » est un mouvement, pas un parti avec des élus. C’est sa force et sa faiblesse. Il ne sera en mesure d’agir qu’une fois assuré d’une majorité à l’Assemblée en juin. La campagne se joue sur ce terrain. En cas d’échec, il sera un pion et la France sera condamnée à l’immobilisme.
Son élection à la présidence de la République, il la doit au jeu de massacre auquel se sont livrés les deux grands partis traditionnels lors de leurs primaires et au rejet qu’inspire encore l’extrême droite. Mais tout cela est fragile. Onze millions de Français ont voté pour Marine Le Pen présidente. Ce n’est pas rien. Ses adversaires ont repris du mordant et croient pouvoir le défaire. La pression monte et déjà les manifestations commencent. « Le rassemblement de deux tiers des Français n’est qu’une façade. Pour transformer l’essai, il faudra une victoire sans appel de En Marche à l’Assemblée nationale, des résultats rapides et une façon convaincante de parler au pays », a souligné Françoise Fressoz dans Le Monde.
Le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions. Le conservateur Bruno Le Maire en est l’illustration. Il se dit prêt a travailler avec Emmanuel Macron dans une majorité de gouvernement, mais il refuse la nomination d’une personnalité socialiste au poste de Premier ministre. Ses amis politiques du parti Les Républicains sont plus brutaux et ont déclaré la guerre au nouveau président. « Je lui ai donné mon vote par défaut », a insisté Valérie Pecresse «Mais il ne représente pas les idées que je souhaite pour la France », a-t-elle ajouté. « Il n’a ni l’audace réformatrice suffisante pour sortir du chômage ni la fermeté nécessaire sur la sécurité et la lutte contre l’islam radicalisé », a-t-elle dénoncé. Même son de cloche hostile du côté du parti socialiste, des insoumis de Jean-Luc Mélenchon à l’extrême gauche et du Front National à l’extrême droite. Tout cela fait beaucoup de monde. Emmanuel Macron a un mois pour convaincre et rassembler. Ses adversaires ont un mois pour se relever et l’affronter. La France est le pays des pessimistes. Beaucoup ne croient pas en lui et se disent désabusés par la politique. Le vrai résultat de l’élection présidentielle 2017 est le choix fait par un 16 millions d’électeurs de ne pas voter ou de voter blanc alors qu’ils étaient appelés à faire barrage à l’extrême droite. Si Macron n’est qu’un feu de paille, elle sera portée au pouvoir.
One thought on “L’enfer est pavé de bonnes intentions”
L’extrême droite peut certes se renforcer. Arriver au pouvoir en France? Jamais. Le plafond n’est pas en verre: il est en acier trempé.