Gueule de bois
Le plan B, quel plan B ? En parler c’est déjà concéder la défaite. Comme en 1992 avec le Non des Danois à Maastricht et en 2005 avec le refus du projet de constitution par les Français et les Néerlandais, les institutions européennes ont pêché par optimisme, imité l’autruche et n’ont pas vu le coup venir.
Le réveil vendredi a été brutal. Les Britanniques ont voté à 52 % pour le Brexit. « We have done it », fanfaronnait dans une vidéo Nigel Farage, le leader de l’UKIP, le parti eurosceptique qui a mené la campagne du « Leave ». La veille, il avait laissé entendre qu’il n’y croyait pas trop. L’enquête YouGov donnait le « Remain » en tête à 52 % On s’était couché confiant, malgré l’orage qui tonnait sur Bruxelles. L’institut avait donné le NON à l’indépendance de l’Ecosse. YouGov a publié un mea-culpa et les Ecossais annoncent un deuxième référendum. Celui là est regardé avec beaucoup plus de bienveillance, même s’il est porteur de dangers. Comment ensuite rejeter la volonté d’indépendance de la Catalogne, si telle est la décision des Catalans.
Accélérer le divorce
Comme prévu, les bourses ont dévissé. Le vendredi noir si redouté s’est produit. Seuls les europhobes ont trouvé matière à se réjouir.
Et maintenant que faites vous ? « Article 50 », m’a répondu mon interlocuteur, laconique. L’article 50 du Traité de Lisbonne encadre la séparation. La procédure peut durer 2 ans, voire 3 si les 27 membres restants acceptent à l’unanimité une prolongation des négociations. Les Européens pressent Londres de déposer les papiers pour aller vite. Mais David Cameron a pris tout le monde de court avec sa démission et son rival Boris Johnson, chef de file des conservateurs eurosceptiques entend prendre son temps. « La sortie se fera sans précipitation », a-t-il annoncé. La Chambre des communes doit voter. Si le gouvernement britannique n’invoque pas l’article 50, tout est bloqué. « Le Royaume Uni reste membre de l’UE avec tous les droits et toutes les obligations qui en découlent. Le droit communautaire continue à s’appliquer au Royaume Uni jusqu’à ce qu’il ne soit plus membre de l’UE », a expliqué Jean-Claude Juncker. Sa contribution au budget de l’UE, soit 11,3 milliards d’euros, devra être versée. Boris Johnson a fait du non versement de ces milliards son cheval de bataille. Il devrait donc presser le divorce. A moins qu’il ne cherche la crise.
Saut dans l’inconnu
Et pour l’Union ? Un saut dans l’inconnu. Le départ du Royaume Uni, l’un des quatre grands malgré son statut très particulier, prend l’Europe au dépourvu au plus mauvais moment, malgré les assurances affichées vendredi matin. Elle n’a pas de capitaine et ses institutions sont faibles, minées par les cabales contre Martin Schulz, le président du Parlement européen, les rumeurs sur la santé de Jean-Claude Juncker et les médisances sur le manque d’autorité du président du Conseil européen Donald Tusk.
La crise de la dette et l’exode des Syriens ont divisé Nord et Sud, Est et Ouest. Les populistes et les europhobes ont le vent en poupe et sont en mesure de tuer le projet européen. Le sommet européen le 28 juin à Bruxelles sera précédé par une réunion informelle des 27 dirigeants encore membres de l’UE. L’objectif est de serrer les rangs et d’éviter l’effet domino. Le chef de la diplomatie polonaise, Witold Waszczykowsy a résumé l’enjeu : « Nous voulons tous conserver l’UE. La question est de savoir sous quelle forme ». Tout le monde attend les initiatives franco-allemandes qui ont été annoncées. Angela Merkel a invité François Hollande lundi à Berlin pour évaluer la situation afin de prendre les bonnes décisions mardi. La Chancelière a également décidé de convier l’Italien Matteo Renzi et Donald Tusk à cette rencontre, au risque de fâcher les exclus. La concertation européenne laisse encore beaucoup à désirer. Du coup le Premier ministre hongrois Viktor Orban veut une réunion du groupe de Visegrad avec les dirigeants de la Pologne, de la République Tchèque et de la Slovaquie. A coup de maladresses, L’Europe s’engage sur la voie de la fragmentation.