Le chat et la souris
Le Royaume Uni va-t-il quitter l’Union européenne ? 52 % des électeurs ont demandé à partir. Mais le pas est loin d’être franchi. Si la possibilité de faire sécession a été offerte aux Etats membres avec l’article 50 du traité de Lisbonne, il s’agit seulement d’une faculté. Personne ne poussera un Etat dehors. C’est son libre choix. S’il décide de larguer les amarres, il ne bénéficiera d’aucun passe-droit dans ses nouvelles relations avec l’Union.
« Tant que la procédure du divorce n’est pas activée, le Royaume Uni reste membre de l’Union Européenne, avec ses droits et avec ses obligations ». Le message est répété en boucle par tous les dirigeants de l’UE depuis la décision des Britanniques de quitter l’UE.
« Mais si les Britanniques ne veulent plus sortir, on ne va pas les forcer », souffle-t-on à l’Elysée. « La classe politique à Londres devrait avoir la possibilité de réfléchir une nouvelle fois aux conséquences d’un retrait », a estimé Peter Altmaier, proche de la chancelière Angela Merkel.
Plus direct, Jaroslaw Kaczynski, président du Parti Droit et Justice (PiS) au pouvoir en Pologne, a ouvertement plaidé lundi pour l’organisation d’un second référendum au Royaume Uni. « Nous devons déployer tous les efforts pour faire revenir les Britanniques », a-t-il soutenu. « Mais pour cela, l’Union doit radicalement changer ».
L’idée est lancée pour le premier sommet européen post-Brexit. Jaroslaw Kaczynski dit tout haut ce que diplomates et conseillers susurrent depuis deux jours: le divorce n’est peut être pas inéluctable. « Mon sentiment personnel est que le Royaume Uni ne signifiera jamais à ses 27 partenaires qu’il veut quitter l’UE », soutient un influent conseiller à Bruxelles. La représentation permanente du Royaume Uni auprès de l’UE ne fermera peut être jamais ses portes.
L’idée ulcère les souverainistes et autres europhobes. Le vote des Britanniques est un peu leur victoire. Ils l’ont célébrée en France, aux Pays Bas, en Italie. Ils réclament eux aussi des consultations, convaincus de pouvoir entrainer leurs compatriotes à quitter cette Union européenne honnie.
Tant que la décision de lancer la procédure de divorce n’aura pas été prise, l’Union européenne devra « vivoter » dans l’incertitude de la décision des dirigeants britanniques. David Cameron, démissionnaire, a prévenu lundi qu’il ne demandera pas d’activer l’article 50. « Ce n’est pas à moi de gérer cette M… » a-t-il confié à ses proches. Cette responsabilité incombera à son successeur. Il sera connu en septembre.
Boris Johnson, l’ancien maire de Londres, chef de file des eurosceptiques du parti et animateur de la campagne pour la sortie devrait prendre la tête du parti et devenir chef du gouvernement. Lancera-t-il la procédure ? La responsabilité est énorme. L’Unité du Royaume Uni est en jeu. L’Ecosse, l’Irlande du Nord et Londres ont majoritairement voté contre le Brexit. Les Ecossais ont dit NON en 2014 à l’indépendance, à condition que le Royaume Uni demeure dans l’UE. Un nouveau référendum pour faire sécession est envisagé. Nicola Sturgeon, Premier ministre de l’Ecosse, a annoncé son intention de venir en consultation à Bruxelles. Elle a déjà rencontré Jean-Claude Juncker en juin. « La porte du président est toujours ouverte. Il rencontrera les représentants de l’Ecosse à un moment donné », a confirmé lundi la Commission.
L’Union va laisser les chefs du « Brexit » méditer sur leur victoire pendant l’été et réfléchir au type de relation qu’ils veulent. Boris Johnson ne s’attendait pas à la victoire et le camp du Brexit montre un total amateurisme. Il va devoir gérer le mécontentement croissant des adversaires de la sortie et celui de ses partisans devant l’accumulation de mauvaises nouvelles, conséquences annoncées de leur décision, comme la chute de la livre, le renchérissement du coût de l’argent sur les marchés financiers et la réalité de sa nouvelle relation avec l’Union .
« Le Royaume Uni deviendra un pays tiers. L’Union européenne à des relations très diverses avec les pays tiers, avec quantités de formules qui vont de la relation privilégiée avec la Norvège à la relation avec les pays sous sanctions, comme la Corée du Nord », a souligné un diplomate de haut rang.
Boris Johnson a lancé un premier ballon d’essai dans une tribune publiée dans le Telegraph. Il assure que le Royaume Uni pourra continuer à avoir un accès complet au marché unique, sans avoir à respecter les décisions de la Cour de Justice de l’UE cas d’infraction ni contribuer au budget européen. Fin de non recevoir du reste de l’UE, sidéré par une telle annonce. « La participation au marché intérieur européen implique la primauté du droit européen sur le droit national, un contrôle et les sanctions de la Commission et de la Cour Européenne de Justice en cas d’infraction . C’est totalement antagoniste avec ce pourquoi le camp du Brexit à fait campagne », expliquent les autres pays de l’UE. « Il n’y a aucune logique de punition, mais l’application du droit. Si on vote pour s’affranchir du droit européen, cela implique de ne plus en avoir les bénéfices », a expliqué un diplomate de haut rang. Les membres restants de l’UE sauront se montrer conciliants, mais ils resteront fermes sur les règles. Pas question de laisser Boris Johnson jouer au chat et à la souris.