2018, l’année du renoncement pour l’UE

2018, l’année du renoncement pour l’UE

2018 s’annonce comme l’année du renoncement, des fractures et de la banalisation de l’extrême droite dans l’Union européenne. Pas de quoi pavoiser, même si la reprise de l’économie se confirme.

« 2018 sera l’année de l’Europe », m’a assuré un haut responsable de la Commission européenne lors du traditionnel échange des vœux. Mais de quelle Europe parlons nous ?  Le 18 décembre, l’Europe a avalisé l’alliance de gouvernement conclue en Autriche par le démocrate chrétien Sébastian Kurz avec le parti d’extrême droite FPö pour devenir chancelier. Aucun dirigeant européen n’a cillé. Pire, Angela Merkel et Emmanuel Macron ont adressé leurs félicitations à leur nouveau partenaire, devenu à 31 ans, le benjamin des membres du Conseil européen. Jean-Claude Juncker a donc été contraint de se renier, lui qui déclarait en 2016 ne pas aimer la droite dure ni l’extrême droite car avec eux « il n’y a ni débat ni dialogue possible ». Mais ses patrons du Parti Populaire Européen ont décidé que coucher avec l’extrême droite europhobe n’était pas pêcher. Peu pressé de renoncer à sa fonction 18 mois avant le terme de son mandat, le président de la Commission européenne a préféré se taire et ravaler ses critiques. Le prix à payer sera l’abandon du volet humanitaire de la politique européenne d’asile et de migration.

Il y a vingt ans, l’Europe s’était insurgée contre l’alliance de gouvernement avec l’extrême droite en Autriche. Mais c’était une autre Europe. Elle tenait à ses valeurs. C’était son ciment.

Fin 2017, le vaisseau Europe a donné un coup de barre à droite. Très à droite. Sortie affaiblie des élections législatives en Allemagne, Angela Merkel a dû céder à son aile droitière sur la politique migratoire et la zone euro. En Espagne, Mariano Rajoy adopte des postures de caudillo face aux indépendantistes catalans et en France, Emmanuel Macron se positionne à la table européenne de plus en plus ouvertement du côté du couteau.

Le lit fait à l’extrême droite en Autriche donne des ailes aux autres partis membres de l’ENF, le groupe europhobe et xénophobe constitué au Parlement européen par le Front National et le PVV néerlandais, deux formations sorties renforcées des élections organisée en 2017. En France, Marine Le Pen s’est qualifiée pour le second tout de l’élection présidentielle avec 11 millions de suffrages et aux Pays Bas, le parti pour la Liberté est devenu la 2e force politique du pays. Outre Rhin, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) est entrée au Bundestag et représente la 3e force politique du pays, et de l’autre côté des Alpes, en Italie, la Ligue du Nord pourrait revenir au pouvoir dans les fourgons de Silvio Berlusconi lors des élections législatives en mars. Ce serait la troisième fois.

L’Europe n’est jamais grandie de la banalisation de l’extrême droite. C’est pourtant ce que la famille conservatrice du PPE est en train de faire par calcul, pour demeurer la première force politique dans l’UE. La bride est lâchée. L’exemple Autrichien inspire déjà une partie de la formation Les Républicains en France dont le nouveau président, Laurent Wauquiez, s’est positionné très à droite sur les sujets européens.

La politique d’asile de l’Union européenne est la première victime de ce flirt avec l’extrême droite. Dans six mois, à l’été, l’Autriche présidera les conseils des ministres de l’Union. L’accord conclu par Sébastian Kurz a donné au FPÔ six ministères dont les Affaires Etrangères, la Défense et l’Intérieur. Or l’été est une saison difficile pour l’Union européenne. La mer se calme et les traversées illégales se multiplient en Méditerranée, devenue un cimetière marin. La dernière grande crise migratoire date de l’été 2015. Elle a cassé l’Union. Jean-Claude Juncker a en catastrophe élaboré un plan d’action basé sur la solidarité dans la prise en charge des demandes d’asile et proposé des quotas pour relocaliser les réfugiés venus de Syrie. La France a refusé, et les pays d’Europe de l’Est lui ont emboîté le pas. Leur mot d’ordre : éviter de créer un appel d’air. Fin 2017, l’Europe est divisée. Pays en première ligne, l’Italie et la Grèce se sentent abandonnés par leurs partenaires, ce qui crée un ressentiment anti-européen. A l’Est, Hongrie et Pologne refusent catégoriquement toute solidarité pour la prise en charge des demandeurs d’asile et leurs dirigeants confortent leur assise électorale avec cette position. En Allemagne, Angela Merkel a payé le prix fort de sa politique d’ouverture aux migrants et ne veut plus s’exposer. La France se cache derrière un double langage. Emmanuel Macron multiplie les déclarations démagogiques, mais le ministre de l’Intérieur reste sur la ligne dure de ses prédécesseurs de droite Brice Hortefeux et Claude Guéant, tout comme l’avaient fait les Socialistes Bernard Cazeneuve et Manuel Valls.  C’est tout bénéfice pour la popularité, même si nombre d’esprits chagrins protestent.

Lors du dernier sommet européen de l’année 2017, le président du conseil, le Polonais Donald Tusk, a sonné le glas de la solidarité européenne. « Les quotas obligatoires se sont révélés un facteur de division (…) Pour cette raison ils s’avèrent être inefficaces », a-t-il lancé. « Inacceptable », s’est insurgé le commissaire à la Migration Dimitris Avramopoulos. Mais Donald Tusk n’a pas été désavoué par les dirigeants européens et le commissaire n’a pas rendu son portefeuille. «Si les grands partis traditionnels suivaient ce que prônent les populistes, dans quelle Europe et quel monde vivrions nous ? Une Europe anxieuse qui se caractériserait par le rejet de l’autre ? Cette Europe là ne serait plus la notre », soutenait Jean-Claude Juncker dans un entretien accordé au quotidien Le Monde en mai 2016. C’est hélas désormais chose faite et Jean-Claude Juncker semble prêt à s’en accommoder.

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