Les tapis d’Angela

Les tapis d’Angela

Le cadeau de départ offert par le Conseil européen terminera sans doute dans les caves de la chancellerie à Berlin. Charles Michel a-t-il fait le bon choix et opté pour le bon symbole avec une lanterne? On peut se le demander. Car, en fait, Angela aime surtout les tapis. Ils sont si pratiques pour dissimuler ce qui gène.

Son 107e et dernier sommet aura été à l’image de son long « règne »: tout faire pour éviter les crises en différant les décisions.

Après avoir tenté d’éviter une discussion pour éviter une confrontation avec la Pologne, accusée de violer l’Etat de droit, elle est parvenue a envoyer le problème sous le tapis.

Gardienne des traités, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a été chargée d’agir, mais sans précipitation, pour donner sa chance au dialogue en continuant « de chercher des solutions ».

Un compromis « Merkelien » qui n’a pas surpris. « Angela Merkel ne prend jamais de décision. Elle les repousse le plus longtemps possible », a rappelé son compatriote et ancien chef de file des Verts au Parlement européen Daniel Cohn-Bendit, pour un portrait de la chancelière diffusé sur France 2.

L’ancien chef du gouvernement italien, l’économiste Mario Monti, a eu la dent plus dure dans un entretien avec le Corriere della Sera.

« Les surprises sont pour elle les pires choses qui puissent arriver », a-t-il raconté. « Angela Merkel a mis les intérêts de l’Allemagne au dessus des intérêts et des valeurs européennes en favorisant l’instauration du premier régime autocratique dans l’UE avec sa complaisance vis à vis du Premier ministre hongrois Viktor Orban ».

On est loin du concert d’éloges des dirigeants européens à la fin du sommet. Le plus proche de la vérité a sans doute été le Luxembourgeois Xavier Bettel qui a vanté « une machine à compromis ».

Avant de quitter la scène, Angela Merkel a soulevé un coin du tapis européen pour rappeler à ses pairs qu’ils allaient devoir régler « une série de problèmes non résolus ».

« Je quitte maintenant cette Union européenne dans ma responsabilité de chancelière dans une situation qui m’inquiète », a-t-elle déclaré. « Nous devons nous respecter mutuellement. Je pense que c’est très important », a-t-elle martelé.

Angela Merkel quitte une Europe fracturée. Les migrations ont cassé la solidarité et nourrissent les populismes un peu partout. L’Europe ne fait plus rêver et l’inquiètude pointe: qui va désormais juguler l’exaspérante arrogance d’Emmanuel Macron ou contrer Victor Orban?

Son départ va « laisser un grand vide », a reconnu le nouveau chancelier autrichien Alexander Schallenberg.

« Elle me manquera. Elle manquera à l’Europe », a assuré Xavier Bettel.

Tout cela est du passé pour Angela Merkel. Jeudi soir, elle a veillé jusqu’au petit matin avec Emmanuel Macron à l’issue de sa dernière soirée de sommet européen, et tous deux ont maintes fois trinqué. Car la chancelière aime lever le coude. La confidence dévoile un petit secret qui avait été jusqu’alors soigneusement caché sous le tapis.

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