Sylvie Goulard, l’ange noir de la Commission von der Leyen

Sylvie Goulard, l’ange noir de la Commission von der Leyen

Sylvie Goulard est devenue une menace mortelle pour Ursula von der Leyen. Les doutes sur sa probité entretenus par les enquêtes ouvertes en France et à Bruxelles par l’office anti-fraude de l’UE et par ses liens avec un sulfureux financier américain ont ruiné son audition. Les mises en garde se multiplient au sein du Parlement européen contre le risque d’un non à l’investiture de la nouvelle commission en octobre si elle n’est pas récusée.

Son retrait soulagerait tout le monde, a reconnu le chef d’une des grandes familles politiques européennes. Mais l’intéressée feint de ne pas le comprendre et le soutien affiché du gouvernement français l’entretient dans son illusion qu’il s’agit d’un mauvais moment à passer, et qu’au bout du compte les élus européens vont s’écraser. Elle a été l’une des leurs et elle est si brillante, si compétente.

La batterie de questions qui lui a été envoyée après son grand oral raté le 2 octobre montre pourtant l’ampleur du problème. Ses compétences ne sont pas en jeu. Il s’agit de sa probité. Et de nombreux pays ne prennent pas cela à la légère. 

« Nous n’avons pas besoin d’une superwoman. Nous avons besoin d’un commissaire dont les scandales ne mettront pas en péril d’importants projets pour le marché intérieur de l’UE ». Le commentaire du groupe du Parti Populaire européen est sans appel.

« Nous ne comprenons pas comment Mme Goulard peut prétendre être commissaire malgré les enquêtes qui l’ont amenée à démissionner de son poste de ministre de la Défense » en France en juin 2017, un mois après sa nomination, ont expliqué de nombreux élus.

Personne à Bruxelles ne veut comprendre que son départ  a été un coup politique qui a contraint  les deux têtes du MoDem,  François Bayrou et Marielle de Sarnez,  à également démissionner de leurs postes de ministres de la Justice et des Affaires européennes, au grand soulagement d’Emmanuel Macron car le dirigeant centriste avait l’irritante manie de le considérer comme son obligé et de lui donner des leçons.

Le coup lui est revenu en pleine figure comme un boomerang pendant son audition et lui a fait perdre pied.  « Nous attendons des candidats qu’ils soient compétents et intègres », ont insisté tous les présidents des  groupes politiques.  Et beaucoup d’élus du  groupe libéral Renew Europe ne se sentent pas de la défendre .

Emmanuel Macron avait été mis en garde contre sa désignation. Surtout pour le super portefeuille de commissaire en charge du Marché Intérieur, de l’Industrie, de la Défense et de l’Espace taillé sur mesure pour la France. Mais la ministre de la défense Florence Parly a refusé le poste à deux reprises, laissant le président sans autre choix dès lors qu’il avait annoncé sa décision de désigner une femme pour le poste de commissaire.

« Le risque a été mesuré », ont assuré les canaux français à Bruxelles. « Sylvie Goulard a remboursé le sommes litigieuses au Parlement européen et elle a été blanchie », répétait en boucle Amélie de Montchalin, la secrétaire d’Etat aux Affaires européennes.  Elle n’a pas convaincu les eurodéputés.

Vaillant petit soldat, elle est remonté au front et a ulcéré les élus du Parti Populaire Européen. « Selon Amélie de Montchalin, si les eurodéputés LR (Les Républicains) ne se prosternent pas devant la sainte-martyre macroniste Sylvie Goulard, ce sont des fachos alliés au RN. Je suppose donc que mes collègues allemands de la CDU, unanimes à juger l’audition de Goulard pas convaincante sont des nazis »,  s’est insurgé Arnaud Danjean, vice-président du Parlement européen.

« Mme Goulard, si vous êtes mise en examen, pouvez vous nous dire si oui ou non vous démissionnerez de la Commission européenne », a demandé le groupe socialiste. La question est piégée car si elle répond oui, ce que demandent les socialistes, cela sous-entend que sa nomination fragilise son portefeuille. Ursula von der Leyen risque de devoir remanier son équipe en cours de mandat, et ce n’est pas un bon départ.

Sylvie Goulard a deux gros problèmes. Le premier est la double enquête en France et à Bruxelles sur la rémunération des assistants du MoDem, le parti de centre droit dont elle a été membre de 2007 à 2017 et élue européenne pour deux mandats avant de rallier La République En Marche, la formation du président Emmanuel Macron. Les deux enquêtes doivent déterminer si des salariés du ModDem en France ont été rémunérés avec les dotations de plusieurs milliers d’euros allouées  par le Parlement européen aux eurodéputés pour leurs assistants.  Une enquête similaire a couté très cher à la patronne du RN, Marine Le Pen.

La seconde porte sur ses liens avec le financier américain Nicolas Berggruen qui l’a généreusement rémunérée  entre 2013 et 2016, alors qu’elle était élue européenne. Selon le quotidien Libération, Sylvie Goulard a perçu quelque 350.000 euros au cours de cette période. Elle a déclaré avoir perçu 49.047 euros, a souligné le Parlement.

Les élus se sont montrés très préoccupés par ses liens avec Nicolas Berggruen, présenté comme un philanthrope pro-européen alors qu’il est surtout un financier avec une spécialité: il dirige un fond de recouvrement  spécialisé dans la récupération de dettes impayées, précise Libération.

« Vous nous avez remis une lettre signée par Nicolas Berggruen le 2 octobre ce qui démontre que vous êtres toujours en relation avec lui.  Or il apparait que la famille Berggruen a contribué au financement de la campagne d’Emmanuel Macron pour les présidentielle et Nicolas Berggruen n’a pas caché son soutien pour le candidat (…) Cet homme a d’important intérêts commerciaux dans des secteurs économiques où il sera en concurrence avec des sociétés que vous devrez défendre dans le cadre du marché intérieur. Est ce que cette situation vous semble tolérable, sur le plan éthique et sur le plan politique, et peut vous permettre d’assumer la fonction qui vous sera confiée au sein de la Commission », lui demandent les élus.

Sylvie Goulard a jusqu’au 9 octobre pour répondre, a précisé le président du Parlement David Sassoli. Une seconde audition est ensuite possible. Mais peu sont ceux qui croient que Sylvie Goulard va pouvoir se sortir du piège. Elle est devenue un repoussoir. Si le Parlement européen ferme les yeux, il deviendra la cible de tous les populismes. « Pas question de double standards », martèle le PPE. Les candidat de la Hongrie, un membre du PPE, et de la Roumanie, une Socialiste, ont été recalés à cause de leurs potentiels conflits d’intérêts sans même avoir le droit d’être auditionnés. Sauver Sylvie Goulard parce qu’elle est la candidate de la France ne serait pas compris.

Ursula von der Leyen est très contrariée  par cette situation. Elle a été avertie par les instances du PPE  que l’investiture de sa commission n’était pas acquise. Le vote prévu le 24 octobre n’est pas certain, a confié un président de groupe. La présidente a été mal élue, avec une courte majorité de seulement 9 voix et elle doit impérativement conforter ses soutiens au Parlement. et surtout éviter les votes contre de sa famille politique. Plus de 20 élus PPE lui ont manqué pour son élection.

Paris commence à comprendre le danger et s’énerve, car le dépeçage du portefeuille confié à la France est de plus en plus ouvertement évoqué et cela, Emmanuel Macron ne peut l’accepter. Sylvie Goulard est donc coincée. Elle doit une fois encore s’effacer. Mais cette fois-ci elle ne sera pas remerciée.

 

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