« Bojo », le joueur de flûte du Brexit
Le leg européen de Boris Johnson tient en une formule: Euromyths. Il a alimenté cette rubrique créée par la Commission européenne pour contrer les bobards publiés dans les media. Elle a survécu longtemps après son départ de Bruxelles en 1994 car ses suiveurs ont été nombreux.
Bourru, la tignasse blonde en bataille, débraillé, le pan droit de la chemise flottant au dessus du pantalon, le visage renfrogné, comme perdu dans ses pensées, Boris était un personnage. Mais il n’était pas le seul au sein de la communauté des journalistes dont je faisais partie comme correspondant de l’AFP. A l’époque, Jacques Delors et son équipe avaient les yeux de Chimène pour l’élégant Lionel Barber, chef du bureau du Financial Times, dont les écrits et les analyses étaient redoutés. Correspondant du Daily Telegraph Boris Johnson, n’était pas vraiment pris au sérieux. « Ses articles étaient souvent un tissu d’âneries, et il en était conscient. Il exprimait simplement son mépris pour une construction qu’il n’avait pas du tout l’intention de comprendre », raconte Riccardo Perissich, ancien Directeur général pour le Marché intérieur. Mais Boris était attachant et spirituel. Personne ne lui fermait les portes, d’autant que nombre de fonctionnaires avaient connu son père, Stanley, un ancien collègue, Européen convaincu. La Commission n’était pas encore l’institution paranoiaque qu’elle est devenue. Les bureaux des commissaires étaient accessibles et il fallait se déplacer pour la grand messe de midi si l’on voulait être informé.
Boris Johnson aimait monter des coups. Silvio Berlusconi en a fait les frais en 2003. L’entretien publié dans The Spectator a causé une déflagration dans la péninsule. Le Président du Conseil italien, toujours en difficulté avec la justice italienne, attaquait les juges: « Pour faire ce travail, il faut être mentalement dérangé, il faut avoir des problèmes psychiques ». Mais surtout, il défendait Mussolini: « Il n’a jamais tué personne. Il se contentait d’envoyer ses opposants en vacances au loin ». Bersluconi a déploré le manque d’éthique de Boris Johnson, accusé d’avoir publié des propos relevant de la conversation privée. Mais le mal était fait.
Entré en politique, élu maire de Londres, Boris Johnson est devenu « BoJo ». Son dernier coup est sa décision de faire campagne pour la sortie du Royaume Uni de l’UE et de contrer David Cameron en prenant la tête des eurosceptiques du parti Conservateur . Toujours sans foi ni loi, il siffle sa petite musique antieuropéenne. Les Britanniques devraient toutefois prendre garde et ne pas se laisser recruter par sa presse. Sinon ils risquent de se réveiller avec une sacrée gueule de bois une fois les amarres larguées