Les patates chaudes d’Ursula
Bras de fer avec la Hongrie et la Pologne sur des plans de relances problématiques, gestion d’une pandémie invincible: la rentrée s’annonce très difficile pour Ursula von der Leyen, appelée à prendre des décisions, un exercice du pouvoir dans lequel elle ne brille pas.
La fonction pause est très utile pour qui rechigne à gâcher ses vacances. Mais les problèmes ne sont pas pour autant réglés.
La Pologne et la Hongrie, comme 23 autres pays membres de l’UE, ont soumis des plans de relance pour bénéficier des financements du grand emprunt européen de 750 milliards d’euros. Mais ils sont inacceptables, contrairement aux dix-huit qui ont été approuvés.
Par chance, la Commission a du prolonger son évaluation des plans de cinq autres pays –Finlande, Suède, Malte, Roumanie et Estonie– jusqu’à septembre. Et elle attend ceux de la Bulgarie et des Pays-Bas. Un délai à donc été décidé pour trouver un terrain d’entente avec Budapest et Varsovie.
Mais l’affaire est difficile. Pas question pour l’exécutif européen de signer des chèques en blanc. Onze critères doivent être remplis par tous les demandeurs. La Commission doit s’assurer qu’ils ont mis en place les mécanisme de contrôle et d’audit pour « assurer une mise en oeuvre appropriée des fonds » et une égalité de traitement des bénéficiaires; que leurs plans répondent aux objectifs politique fixés pour la relance et qu’ils respectent l’Etat de droit.
« L’évaluation sera terminée quand les demandeurs auront satisfait les onze critères », a insisté le porte-parole de la Commission le 12 juillet.
Les discussions étaient au point mort avec Budapest et Varsovie peu avant la pause estivale. Les principaux griefs sont l’absence de transparence sur la passation des marchés publics, une lutte insuffisante contre la corruption et le manque d’indépendance du système judiciaire.
« Nous avons des raisons objectives d’être très attentifs sur la gestion des fonds communautaires », a confié un membre de l’exécutif.
Une certaine animosité était ressentie vis à vis de Viktor Orban, le premier ministre Hongrois, accusé par de nombreux élus européens de tirer un profit personnel des fonds européens.
« L’ambiance n’est pas favorable à une approbation du plan hongrois les yeux fermés », a souligné le responsable européen.
Mais l’Union redoute les crises. Un terrain d’entente doit être trouvé. La question est comment sauver la face. Ursula von der Leyen et son équipe savent être attendus sur ce dossier.
« Viktor Orban connait le système européen. Il sait éviter de franchir les lignes rouges », assure un diplomate européen.
Mais les concessions seront elles acceptables pour les autres Etats membres et pour le Parlement ? Ursula von der Leyen aura-t-elle le courage de rejeter un plan inacceptable et d’ouvrir une crise ? C’est sa première patate chaude.
Le fait que Viktor Orban ne puisse plus compter sur ses soutiens en Allemagne et que le ressentiment monte contre lui au sein du Conseil pourrait aider à désamorcer la crise.
La seconde patate chaude et la pandémie. Très contagieux, le variant Delta (Indien) du virus a gâché les vacances des Européens et la crainte de devoir imposer de nouvelles mesures de confinement a hanté nombre de dirigeants. Emmanuel Macron a été obligé de confiner la Martinique et la Guadeloupe et d’imposer des restrictions à la Réunion, trois destinations de vacances pour les Français où les taux de vaccination sont encore très bas.
La moitié de la population européenne, dont 60% des adultes, étaient complétement vaccinés début août. Mais de fortes disparités ont été constatées entre les Etats membres. Les restrictions se sont donc multipliées et plusieurs pays européens envisagent une dose de rappel. L’Allemagne et la Suède ont annoncé leur décision de le faire. La France est également sur cette ligne.
« Une troisième dose pourrait s’avérer nécessaire », a reconnu un porte-parole de la Commission. « Des contrats ont été conclus avec les groupes Pfizer (1,8 milliard de doses) et Moderna (150 millions de doses) pour +booster+ la vaccination si cela est nécessaire », a-t-il précisé.
Mais les mesures sont de plus en plus mal acceptées. Des manifestations contre le pass sanitaire (certificat de vaccination) imposé en France pour avoir accès aux lieux culturels, aux cafés, aux restaurants, aux trains, aux salons et aux foires, ont réunis plusieurs centaines de milliers de personnes et les mouvements antivax ne désarmement pas. D’autres gouvernements de l’UE rencontrent les même difficultés. Et l’unité européenne commence à nouveau à faire défaut.
« La solution ne peut jamais être d’organiser notre vie avec des pass. Notre taux de vaccination est bien plus haut qu’en France. On n’a pas besoin de telles mesures », a ainsi lancé le Premier ministre libéral belge Alexander De Croo, interrogé sur les mesures imposées en France.
La liberté de circulation est mise à mal. « Elle s’évapore continuellement et si la Commission, gardienne des traités, laisse faire, la restriction sera le principe et la libre circulation l’exception », s’alarme le chef de la diplomatie du Luxembourg Jean Asselborn.
Seulement voila, « le variant Delta constitue une source croissante d’incertitude et pourrait freiner la reprise dans les secteurs du tourisme et de l’hôtellerie », a averti la patronne de la Banque Centrale Européenne Christine Lagarde.
Que va faire Ursula von der Leyen ? « Jusqu’à présent elle s’est montrée incapable de prendre des initiatives et a suivi les directives de l’Allemagne et de la France », déplore un représentant du PPE (Parti Populaire Européen), sa famille politique.
L’aura de la première présidente de la Commission européenne s’est ternie. La grogne monte en interne contre sa gestion de la maison. Le renvoi du photographe officiel de l’exécutif bruxellois a choqué. D’autant que le motif invoqué — ses photos ont été jugées mauvaises pour le compte Instagram de la présidente– a été jugé mesquin. Les critiques se multiplient depuis contre une présidente obnubilée par son image et sa communication, qui a laissé la Commission devenir un secrétariat aux ordres des capitales.