Washington met l’Union au défi d’adopter un « Made in Europe »
Dans un monde dominé par des loups, l’Union européenne est un troupeau d’agneaux, sidérés de découvrir le peu de scrupules de leurs amis et alliés pour les dépouiller, car ils sont incapables de résister.
Les Américains sont les pires. Protectionnistes, dotés depuis 1933 d’un « Buy American Act » ils viennent sans état d’âme d’adopter un plan de subventions de 370 milliards, l’IRA ou « Inflation Réduction Act », afin de financer leurs dépenses sociales et la production d’éoliennes, de panneaux solaires et de voitures électriques sur leur sol.
L’annonce a provoqué un tollé de protestations en Europe. « Faites comme nous », a répondu Washington, semant la zizanie dans l’Union. « Les Américains aiment les subventions et le protectionnisme. Ils utilisent la carotte. Ils nous disent de faire comme eux, pour créer des emplois. Mais nous, Européens, nous n’avons de carottes », déplore un haut responsable européen à Bruxelles.
La réaction européenne à l’IRA, qui entre en application début 2023, sera « au coeur » des discussions sur la relation transatlantique pendant le sommet européen le 15 décembre.
« Nos perspectives de croissance future dépendent non seulement de notre capacité à gérer le choc énergétique à court terme, mais aussi de la capacité de nos industries à rester compétitives, de notre capacité à innover et à investir dans les technologies de demain », a averti le président du Conseil européen, le Belge Charles Michel.
« L’UE a des coûts du travail et de l’énergie très élevés », souligne-t-on à Bruxelles. Ses membres doivent éviter la fuite de leurs entreprises, attirées par les subventions américaines et une énergie cinq fois moins cher. Les Européens se sont tournés vers les Américains pour remplacer le gaz russe. L’Amérique a répondu favorablement à la demande de ses alliés européens , mais vend son gaz au prix du marché. Pas vraiment un prix d’ami, a déploré Emmanuel Macron lors de son déplacement pour rencontrer Joe Biden. L’UE a commandé 50 milliards de M3 pour remplir ses stocks 2023, soit un tiers de ses achats à la Russie.
Nous devons pouvoir nous battre à armes égales, soutient la présidente de la Commission européenne, l’Allemande Ursula von der Leyen. Elle plaide pour une simplification et une adaptation de ses règles très strictes régissant les aides publiques accordées par ses Etats membres, afin d’offrir aux gouvernements « une souplesse accrue » et de proposer aux entreprises « un cadre plus prévisible et compréhensible ».
Seulement voila, l’UE n’est pas une vraie union. Juste une Communauté Economique, une guilde de marchands aux intérêts divergents.
« Les positions sont différentes sur la manière de réagir » à l’IRA, souligne un haut fonctionnaire européen. Les petits pays de l’UE n’ont pas les capacités financières pour subventionner. Les plus libéraux mettent en garde contre une fragmentation du grand marché et veulent le conserver ouvert, même si la Chine s’est fermée et si les Etats-Unis se replient. Les « radins » refusent un nouvel endettement commun après avoir du consentir à celui de 750 milliards pour financer NextGenerationUE, l’ambitieux plan de relance adopté en 2020, dont une partie va être utilisé pour les investissements dans le cadre de RepowerEU.
Paris combat cette frilosité. La France plaide pour un « made in Europe » et préconise un nouvel endettement commun pour contrer l’IRA . Ursula von der Leyen défend cette ligne. Elle proposera en janvier un nouveau cadre pour les aides d’état et soumettra à l’été un projet de fond souverain. Mais aucun accord ne se dessine entre les 27 sur ces options. L’endettement de la plupart des Etats membres est un sérieux obstacle à la course aux subventions.
Les moutons européens vont continuer à bêler pendant qu’ils sont tondus.