L’Europe rose bonbon d’Ursula

L’Europe rose bonbon d’Ursula

Exercice convenu du rituel européen, le discours sur l’état de l’Union, le SOTEU en jargon bruxellois, est censé refléter sans fards la situation de l’Union européenne avant l’Assemblée générale des Nations Unies. Ursula von der Leyen, plus soucieuse de l’image que du fond, a choisi d’oublier les failles, les aspérités et les furoncles. Mais certains élus européens lui ont rappelé la triste réalité.

Etait-ce a dessein, la présidente de l’exécutif bruxellois avait choisi une tenue en deux tons, rose pour la veste, noire pour le pantalon. Son intervention a été le reflet de sa tenue. Le noir est resté caché, occulté.

Le temps des visionnaires est passé, a averti Jacques Delors. L’Europe est aujourd’hui celle des comptables. Mme von der Leyen a rendu compte de l’exécution des devoirs imposés par les Etats membres: mise à disposition des moyens pour la vaccination des Européens et l’aide aux pays les plus pauvres; réponse à la crise économique avec le grand emprunt qui va financer le projet NextGenerationEU; plan de bataille pour la lutte contre le réchauffement du climat avant la COP26 de Glasgow en novembre avec l’objectif de réduire les émissions de gaz a effet de serre l’UE de 55% par rapport à celles de 1990 pour 2050.

Pour une fois, elle n’a pas joué solo. Elle a félicité les « excellents commissaires » de son équipe et a lancé quelques idées sur l’autonomie de l’Europe très inspirées par l’Espagnol Josep Borrell et le Français Thierry Breton avec la nécessité de se doter d’une capacité de Défense et de jouer la carte des puces européennes pour briser une dépendance.

Une heure durant, elle a parlé devant les élus présents à Strasbourg. Une heure c’est long, très long. Les tricoteuses de la commission, la Danoise Margrethe Vestager (concurrence) et la Suédoise Ilva Johansson (Interieur), ont ainsi été surprises aiguilles en mains. Et nombre de participants pianotaient sur leurs téléphones portables.

La Libérale néerlandaise Sophie in ‘t Veld (Renew) lui a ensuite rappelé la triste réalité européenne qu’elle avait choisi d’occulter pour ne fâcher personne.

« L’État de droit et la démocratie, qui font de l’Europe un lieu où des millions de personnes peuvent être libres, sont attaqués. La réforme de la migration est bloquée. L’agenda économique est divisé. Mme von der Leyen déplore le manque de volonté politique, mais elle oublie de mentionner d’où émane ce manque de volonté politique : le Conseil et les capitales nationales », a-t-elle lancé.

« Le Conseil est devenue le cimetière des politiques européennes », a-t-elle accusé.

« De nombreuses initiatives dont l’Europe a cruellement besoin ont été lancées par la Commission européenne dans un passé récent. Mais elles se sont enlisées au Conseil et ont fini par mourir. Il en sera de même avec les projets annoncés aujourd’hui par Mme Von der Leyen », a-t-elle prédit.

« Si le Green Deal est laissé aux Etats membres, ils le démembreront jusqu’à ce qu’il ne reste presque plus rien », a-t-elle insisté.

Mais l’Union n’aime pas les Cassandres, ni les média qui donnent de l’écho à leurs mises en garde. Les dirigeants européens préfèrent l’Europe rose bonbon dépeinte par Ursula von der Leyen. Le chancelier autrichien Sebastian Kurz a ainsi salué un « discours très important, axé à juste titre sur l’aide humanitaire à l’Afghanistan et mettant l’accent sur la liberté et nos valeurs, ainsi que sur la lutte ambitieuse contre le changement climatique et la compétitivité ».

Chef de file des frugaux, Sebastian Kurz a pourtant bataillé pour réduire le budget commun à sa plus simple expression et il est aujourd’hui l’un des plus dur dans le refus de la solidarité pour accueillir et réinstaller les Afghans en quête de protection. A la tête d’une coalition de gouvernement avec les Verts, sa main droite ignore toujours ce que veut la main gauche, comme beaucoup d’autres dirigeants européens.

« Le discours de Mme von der Leyen est le cadet de mes soucis », m’avait confié un ministre quelques jours avant l’intervention de la présidente de la Commission. « Ursula von der Leyen peut dire ce qu’elle veut, prononcer le plus beau discours, cela ne sert à rien, car les Etats bloquent au Conseil », avait-il déploré. Voila l’état de l’Union, sans fard rose.

 

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