Les « Leopard » sont lâchés en Ukraine

Les « Leopard » sont lâchés en Ukraine

Les Etats-Unis vont livrer 31 chars Abrams à l’Ukraine. Le chancelier  Olaf Scholz a obtenu gain de cause. L’Amérique est  impliquée dans la fourniture de blindés lourds aux forces ukrainiennes. Il peut désormais libérer les Leopard 2 allemands et les envoyer sur le champs de bataille pour contrer la prochaine offensive russe. Mais le temps presse. Les premiers blindés arriveront « fin mars, début avril ». Or Moscou n’attends pas pour attaquer et continue de tirer des  missiles sur Kiev  .

Leopards 2 allemands, Abrams M1 américains, Challenger britanniques et, peut être, des Leclerc français  vont aller à l’épreuve du feu, servis par des équipages ukrainiens. Les dissensions apparues ces derniers jours ont été un feu de paille. Les alliés font corps. Ils n’ont plus peur d’affronter Vladimir Poutine et veulent sa défaite s’il se risque à lancer une offensive.

Le secrétaire général de l’Otan, le Norvégien Jens Stoltenberg a été on ne peut plus clair. « Nous devons fournir des systèmes plus lourds et plus avancés pour que les forces ukrainiennes soient capables de repousser les forces russes. Pas seulement pour survivre, mais gagner, reprendre le territoire et s’imposer comme un État souverain et indépendant en Europe ».

« Nous ne devons pas avoir peur d’une défaite de la Russie », insiste le chef de la diplomatie lituanienne Gabrielius Landsbergis.  » La Russie  doit perdre cette guerre et nous devons aider l’Ukraine à gagner, sinon nous ne sommes pas sérieux », a-t-il averti à Bruxelles lors d’une réunion avec ses homologues européens le 23 janvier.

La décision américaine a débloqué les blindés. Depuis, les annonces se multiplient.  Joe Biden va envoyer 31 Abrams, soit un bataillon de blindés. Londres a promis 14 Challenger, soit une compagnie. Berlin va lâcher 14 Leopard 2 et Paris pourrait ajouter 14 Leclerc .

« La décision pourrait être prise dans les prochains jours, mais les Ukrainiens attendent plus de notre part la fourniture d’artillerie et de la défense sol-air que des chars Leclerc »,  assure le ministre des Armées Sebastien Lecornu. La France possède 220 Leclerc, mais elle est le seul pays à posséder ce blindé lourd, contrairement au char allemand, en service dans plusieurs armées des pays de l’Otan.

« Pourquoi le Leopard est-il devenu un symbole. Parce qu’il y en a 3.000 sur le terrain en Europe », explique le ministre français. « La décision allemande débloque non seulement la livraison de 14 Leopard 2 allemands, mais aussi la livraison potentielle dans quelques mois de 100 à 120 chars Leopard 2 à l’Ukraine par divers alliés de l’Otan », confirme Camille Grand, ancien secrétaire-général adjoint de l’Otan

La Pologne a promis 14 chars et a pris la tête de la « coalition des Leopard », selon la formule d’Oleksii Reznikov, le ministre ukrainien de la défense, qui a mis en ligne l’illustration utilisée pour cette chronique.  La Norvège a annoncé une contribution de 8 blindés et les Pays-Bas veulent en ajouter 18. La Finlande, le Danemark et l’Espagne seront également de la partie.

Mais, car il y a un mais, ce ne sont pour le moment que des d’annonces. « Quels seront le rythme de livraison (y compris la formation des équipages, le rééquipement des chars livrés sous un standard de préférence similaire) et l’organisation des chaînes logistiques qu’exige l’exploitation des chars », demande Camille Grand.

Les formations de tankistes ukrainiens pour les  Leopard 2 doivent commencer en février et la compagnie de blindés fournie par l’Allemagne devrait être en Ukraine « fin mars début avril », a estimé le ministre de la défense Boris Pistorius.  Le président ukrainien Volodymyr Zelensky presse ses alliés d’accélérer l’envoi de leurs chars  . »La quantité et le délai de livraison des véhicules sont vitaux », plaide-t-il.

« L’ajout d’Abrams M1 américains ou de Leclerc français à l’inventaire déjà diversifié des chars de combat ukrainiens (T-64, T-72, Challenger et Leopard 2) crée des contraintes logistiques qui pourraient l’emporter sur les avantages s’ils sont livrés en petit nombre », avertit Camille Grand. Un point souligné par la plupart des experts en blindés

« Sur le champ de bataille et une fois organisés en une force cohérente, ils peuvent jouer un rôle important pour contrer l’offensive des blindés russes et – potentiellement – permettre à l’Ukraine de mener une opération offensive réussie pour libérer davantage de territoire ukrainien tout en limitant les pertes », estime-t-il.

Mais les chars lourds ne sont pas  « une solution miracle », affirme le commandant des forces alliées en Europe (SACEUR), le général américain Christopher Cavoli. « Il n’y a pas de système d’armes particulier qui soit une solution miracle. Un équilibre entre tous les systèmes est nécessaire », explique-t-il.

Sujet d’une campagne médiatique et politique, les chars ne sont qu’une des pièces du réarmement des forces ukrainiennes. La dernière réunion du « groupe Ramstein », organisée le 20 janvier sur la base américaine de Ramstein, en Allemagne,   a montré une intensification  significative du soutien militaire des alliés. Mais ce résultat a été occulté par le débat autour des Leopard , déplore le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.

Washington a annoncé au cours de cette réunion un nouveau paquet de 2,5 milliards de dollars comprenant 59 blindés Bradley, qui s’ajouteront aux 50 véhicules blindés légers de ce type promis le 6 janvier, et 90 transports de troupes Stryker. Le Royaume-Uni s’est engagé à envoyer à l’Ukraine 600 missiles supplémentaires Brimstone, le Danemark 19 canons Caesar de fabrication française, et la Suède des canons automoteurs Archer. La Finlande a promis une aide militaire de 400 millions d’euros et le gouvernement néerlandais  un financement pour aider l’Ukraine à se doter  de deux lanceurs du système de défense antiaérienne Patriot .

Trois jours après, les 27 membres de l’Union européenne ont débloqué une nouvelle tranche de 500 millions d’euros de la Facilité européenne pour la paix, portant à 3,6 milliards d’euros l’aide financière militaire à l’Ukraine fournie avec cette « cagnotte commune » utilisée depuis le début de la guerre et à laquelle s’ajoutent les soutiens bilatéraux. La France a ainsi ouvert un fond de soutien doté de 200 millions d’euros dont « 100 sont disponibles », a confié Sébastien Lecornu.

Moscou dénonce  « l’engagement direct » des Occidentaux et promet de « brûler » les Leopard . Le Kremlin a mobilisé plus de  200.00 nouveaux combattants, reconstitue ses unités au Bélarus, prépare une offensive au printemps et ne cède plus de terrain aux Ukrainiens. Les pertes sont « très lourdes », a confié Josep Borrell le 23 janvier après un entretien avec son homologue ukrainien Dmytro Kouleba . Les forces russes sont  « en supériorité numérique » et  « intensifient » les combats dans la région de Donetsk (Est), a confirmé la vice-ministre ukrainienne de la Défense Ganna Maliar.

Moscou continue en outre de détruire les infrastructures ukrainiennes. Une salve de 55 missiles a été tirée au lendemain des annonces sur les blindés . Si la plupart ont été abattus par la défense anti-aérienne, plusieurs ont frappés. La menace préoccupe les membres de la Commission européenne sommés par  Ursula von der Leyen de l’accompagner à Kiev pour une réunion le 2 février avant le sommet UE-Ukraine avec le président Zelensky et le président du conseil européen Charles Michel. « Pourquoi Ursula von der Leyen a-t-elle rendu public ce déplacement ?  C’est une énorme erreur », a confié un membre du collège.

Volodymyr Zelensky veut pouvoir répondre et porter le feu sur le sol Russe. Il réclame maintenant des missiles de longue portée, ainsi que des avions de combat. Une ligne rouge pour les alliés. L’Ukraine est attaquée et a le droit de se défendre.  C’est au nom de cette  légitime défense que les alliés justifient leurs fournitures d’armements. Mais il n’est pas question d’entrer en guerre avec la Russie.  Washington a créé le groupe de Ramstein pour contrôler et maitriser le processus sur les armements livrés à Kiev afin d’éviter les risques d’escalade. C’est dans cette enceinte que sont discutées les demandes des autorités ukrainiennes et que sont donnés les feux verts. La prochaine réunion est annoncée pour le 2 février et elle se tiendra à Bruxelles en marge de la réunion des ministres de la défense de l’Alliance.

 

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