La rupture

La rupture

Ursula von der Leyen va-t-elle jeter l’éponge ? La présidente de la Commission européenne donne le change, mais  vit très mal les remontrances des dirigeants européens. Elle a déçu et tous ses travers lui reviennent à la figure.  L’hypothèse d’un second mandat en 2024 tient toujours, « faute d’avoir trouvé un vrai concurrent ».  Prétendante par défaut, elle s’est donné jusqu’à la fin de l’année pour accepter ou refuser un nouveau bail dans sa cellule au 13e étage du Berlaymont .


Les questions d’argent divisent toujours les 27. Le président du Conseil européen Charles Michel le sait. Son premier sommet européen dans sa nouvelle fonction était consacré au budget pluriannuel. Ce fut un fiasco. Il lui a coûté son crédit et a terni son image. Ursula von der Leyen a vécu la même mésaventure durant le diner du sommet européen du 26 octobre consacré à l’examen de ses propositions pour abonder le budget 2021-27 , taillé jusqu’à l’os par les « frugaux » –Pays-Bas et Nordiques– lors de son adoption et à sec trois ans plus tard, épuisé par le soutien à l’Ukraine et les crises à répétition.

La Commission a demandé 66 milliards sur 4 ans pour terminer l’exercice :  17 pour l’Ukraine, 15 pour gérer les migrations, 10 pour les investissements dans les nouvelles technologies, 19 pour les intérêts du grand emprunt pour le plan de relance, 3 pour les imprévus et 2 pour relever les traitements des fonctionnaires affectés par l’inflation. Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell  a ajouté  20 milliards sur 4 ans pour financer le soutien militaire à l’Ukraine.  Les 27 ont dit NON.  Tous se sont découverts frugaux, a reconnu un participant. Les échanges ont été rudes. Le chancelier allemand Olaf Scholz a été particulièrement dur, dénonçant un travail bâclé.  Ursula von der Leyen a été « très affectée » par ces critiques, ont raconté plusieurs participants. Elle semblait perdue lorsque le sujet a été abordé au cours de la conférence de presse. A deux reprises, elle a tenté d’éluder et a demandé de l’excuser pour avoir « oublié » le point.  « Nous avons discuté de contributions, de redéploiements  de fonds, de nouvelles ressources. Plusieurs options sont possibles, un mixte de contributions et de fonds redéployés,  une réduction de la proposition ou en reporter une partie », a-t-elle énuméré.

Aucune décision n’était attendue durant le sommet. Il s’agissait d’une première discussion, d’établir les priorités, de prendre en compte les difficultés. Les arbitrages vont se faire maintenant et la décision doit être prise lors du sommet de décembre. Alors pourquoi tant de dureté contre Ursula von der Leyen au cours de ce premier tour de table ? En fait les 27 « commencent tous à en avoir marre », confie un responsable européen.  Elle a mis à mal l’unité de l’UE lors de son déplacement impromptu en Israël. Elle s’est incrustée dans le déplacement de la présidente du Parlement Européen Roberta Metsola,  invitée par la Knesset, pour ne pas la laisser être la première représentante d’une institution européenne venue à Tel Aviv au lendemain des massacres perpétrés par le Hamas.  Sans mandat, la présidente de la Commission a donné quitus à la guerre déclarée par Benyamin Netanyahou aux terroristes venus de la bande de Gaza. Elle a ignoré l’appel lancé par les ministres étrangères de l’UE au respect du droit humanitaire dans l’opération militaire et  a donné le sentiment d’assimiler Palestiniens et terroristes. « Une erreur politique grave », a jugé un diplomate européen de haut rang. « Elle va le payer très cher avec les massacres commis à Gaza », a-t-il averti.

Un sommet européen extraordinaire en visio-conférence a été convoqué en urgence pour tenter de réparer le mal commis.  Elle a été recadrée et ca s’est mal passé pour elle, a raconté un participant lors du sommet européen. Depuis, tout est remonté: les proportions ridicules prises par son animosité pour Charles Michel, qui a obligé le président américain Joe Biden, a tenir deux réunions lors du sommet UE-USA à Washington;  son égo qui ne cesse de gonfler, flatté par les media à Bruxelles qui la courtisent et lui font croire qu’elle est la patronne de l’Europe;  son incapacité à gérer la Commission;   son manque de culture politique, qui lui a fait mépriser en août 2021 une invitation du président Zelensky pour le 30e anniversaire de l’indépendance de l’Ukraine. Elle lui a fait répondre par son chef de cabinet qu’elle ne pouvait donner suite à cause d’un agenda trop chargé. Un 24 août.

« Une fin de règne compliquée », juge un responsable européen. Le PPE s’en inquiète. Elle est le joker de la droite pro-européenne pour conserver la présidence de la Commission.  « Si elle décide de briguer un second mandat, elle sera bien placée »,  assure le chef du Parti Populaire Européen, le bavarois Manfred Weber.  « Mais nous avons d’autres fortes personnalités, en Espagne, en Italie, en Roumanie », assure-t-il . « Ce sera décidé au Congrès de Bucarest les 6 et 7 mars », précise-t-il.  Ursula von der Leyen est pour le moment la meilleure option. « Nous n’avons pas trouvé de vraie concurrence »,  reconnait le représentant d’un grand pays de l’UE.

Le candidat devra réunir une majorité qualifiée des dirigeants de l’UE et être en mesure de rallier une majorité au Parlement européen pour être élu à la Présidence de la Commission. Champion du PPE en 2019, Manfred Weber avait échoué. Ses rivaux, le Socialiste néerlandais Frans Timmermans, et la Libérale danoise Margrethe Vestager, avaient également été recalés.  La nomination d’ Ursula von der Leyen avait été décidée par les chefs d’Etat et de gouvernements et imposée au Parlement, où elle a obtenu une majorité de 9 voix, ce qui a fait d’elle la première Présidente de la Commission européenne, mais aussi la plus mal élue de l’institution.

 

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