Ukraine: l’heure des léopards
L’heure des Léopards est venue. Ils sont allemands. Très performants, ces chars lourds sont en dotation dans une douzaine d’armées de l’Otan. Le président Volodymyr Zelensky réclame leur envoi avec insistance. Le temps joue contre lui. Ses forces s’amenuisent et ne parviennent pas à repousser les « orcs » russes dans l’Est. Une décision est attendue cette semaine lors de la réunion du groupe de soutien à l’Ukraine sur la base américaine de Ramstein en Allemagne.
Les alliés ont déjà promis des blindés légers: 50 Bradley américains, 40 Marder allemands, une quarantaine d’AMX-10 français. Problème: ces chars ont des armements différents et utilisent des munitions différentes.
D’autres annonces sont attendues « dans un futur proche », a assuré le secrétaire général de l’Otan, le Norvégien Jens Stoltenberg.
« L’important n’est pas d’ajouter plus d’armes, mais de veiller à ce que ces armes fonctionnent comme il faut, avec les munitions, les pièces de rechange, la maintenance et la formation nécessaire », a-t-il toutefois averti.
C’est l’atout du Léopard. Considéré comme l’un des blindés les plus performants au monde, il est en dotation en Allemagne, en Autriche, au Canada, en République Tchèque, au Danemark, en Finlande, en Grèce, en Hongrie, en Norvège en Pologne, en Slovaquie , en Espagne, en Suède et en Turquie. Près de 2.000 sont recensés en Europe
Les Ukrainiens demandent avec insistance aux alliés de leur en fournir un nombre conséquent. La Pologne s’est dite disposée à livrer une compagnie de Léopards 2, mais dans le cadre d’une coalition internationale. Le Danemark et la Finlande se sont dits prêts à contribuer à cette initiative.
Il s’agit de convaincre Berlin d’autoriser la réexportation de ses Léopards et de contribuer à la constitution de la nouvelle force de blindés ukrainienne.
La coalition dirigée par Olaf Scholz hésite, par crainte d’une escalade avec Moscou. Et la démission de la ministre de la défense Christine Lambrecht ajoute à la confusion à Berlin.
Mais l’indignation suscitée par les bombardements aveugles menés par la Russie contre des villes, notamment des tours d’appartements à Dnipro où plus de trente personnes ont péri, exerce une pression énorme sur le gouvernement allemand.
Olaf Scholz veut le soutien des alliés. La réunion des pays du groupe de soutien à l’Ukraine créée et dirigé par les Etats-Unis le 20 janvier sur la base de Ramstein, en Allemagne, sera donc décisive.
« Les livraisons d’armements à l’Ukraine ne sont pas discutées à l’Otan, mais dans le cadre de ce groupe », explique un diplomate de l’Alliance.
« Les Américains ont souhaité conserver la direction de ces discussions afin de maitriser le processus sur les armements livrés. Des limitations sont imposées sur les armements capables de frapper le territoire de la Russie pour éviter les risques d’escalade », précise-t-il.
Le ministre de la défense ukrainien participera la la réunion. Il donnera des informations sur la situation militaire et expliquera les besoins en armements. « On discutera des types d’armes nécessaires et des pays en mesure de les fournir », a précisé Jens Stoltenberg.
Les annonces britanniques sur la fourniture d’une douzaine de chars Challenger 2 seront un élément des discussions. « C’est un cadeau empoisonné », estime Léo Péria-Peigné, expert en armement à l’Institut français des relations internationales (IFRI), dans un entretien à l’AFP.
Le Challenger 2 utilise des munitions spécifiques et nécessiterait de « mobiliser toute une filière de formation et de maintenance pour un taux de disponibilité limité et donc un effet minimal sur le terrain », soutient-il.
De nombreuses voix réclament à la France de fournir des Leclerc et les Etats-Unis sont sollicités pour leurs Abrams. Trois blindés performants mais différents et même incompatibles. De nombreuses voix s’élèvent en France pour exiger la fourniture de Leclec à l’Ukraine. Mais combien peuvent être mis à disposition. Un point sur les Leclerc à lire sur le site Blablachars. » C’est un peu le problème lorsque le politique prime sur le militaire dans la livraison d’armes. On veut « faire des coups », « montrer qu’on y est », « avoir un strapontin ». Mais 10 Leclerc, cela ne sert à rien à part à frimer, et cela pénaliserait l’armée française », soutient Stephane Audran dans un long fil sur sur son compte twitter @AudrandS.
Une solution pourrait être la fourniture de Leclerc ou d’Abrams à ceux des alliés qui livreraient des Léopard 2 à l’Ukraine. Un seul blindé lourd moderne de fabrication occidentale serait ainsi sur le terrain. Une centaine de Léopards devraient être fournis aux forces ukrainiennes pour avoir « un effet significatif » dans les combats, estiment les experts de l’IISS.
L’inconnue est l’état des stocks. Plusieurs générations de Léopards sont en service et tous ne sont pas opérationnels. « L’Espagne a retiré une offre d’envoi de plusieurs Léopard 2A4 en raison du mauvais état des véhicules après de nombreuses années de stockage », souligne l’IISS.
Il faudra ensuite les acheminer. Un test pour la mobilité et les infrastructures en Europe. La partie revient à l’Otan. Et les Ukrainiens devront être en capacité de les utiliser. Une formation minimale demande entre 3 et 6 semaines.
La cavalerie va donc mettre du temps à se mettre en ordre de bataille. Les Léopards devront être en nombre pour ne pas constituer une force symbolique et ils risquent d’arriver tard sur le front Est, où les « Orcs » –surnom donné aux mercenaires russes du groupe Wagner– tentent de renverser le cours de la guerre.