Sommet européen: le quart d’heure de pénitence d’Ursula von der Leyen

Sommet européen: le quart d’heure de pénitence d’Ursula von der Leyen

Mal préparé, mal conçu, le sixième paquet de sanctions contre la Russie présenté par Ursula von der Leyen il y a un mois est en train de faire flop et de ridiculiser l’Union européenne. Le sommet européen des 30 et 31 mai s’annonce difficile pour la présidente de la Commission européenne, devenue exaspérante pour nombre de capitales.

Un manque de confiance bloque l’adoption du 6e paquet, dont le coeur est un embargo sur les achats de pétrole à la Russie, explique un négociateur. La Hongrie est enclavée, sans accès à la mer, et dépend totalement de l’oléoduc Droujba (Amitié) pour la livraison de ses achats. Viktor Orban a chiffré à 800 millions ses besoins en financements pour adapter ses raffineries à un autre type de pétrole et augmenter la capacité de l’oléoduc Adria pour lui permettre d’acheminer du pétrole depuis la Croatie. Il veut des garanties avant d’accepter de se couper du pétrole russe, vital pour son économie.

La Commission est incapable de les lui donner. Les financements promis dans son plan RePowerEU  sont en fait une ré-allocation des fonds des plans de relance nationaux. Or Ursula von der Leyen bloque celui de la Hongrie pour cause de violation de l’Etat de droit. « Le lien avec le plan de relance pour la Hongrie est un problème », reconnait un négociateur.

Le sommet européen débute lundi à 16H00 et une solution est sur la table. Elle consiste à adopter le 6e paquet et son embargo pétrolier en deux temps, avec une exclusion temporaire pour le pétrole acheminé par l’oléoduc Droujba.

« On a deux options: soit on conserve le paquet dans son intégralité et on trouve une solution pour le faire approuver par la Hongrie, ce qui peut prendre plusieurs semaines, soit on sort Droujba et on adopte immédiatement tout le reste », explique le négociateur.

Cette option permettrait de frapper 2/3 des exportations russes qui sont acheminées par la mer. Il débloquerait les autres mesures: l’exclusion du système financier international Swift de la Sberbank, la plus importante banque russe et de deux autres établissements, l’interdiction de plusieurs chaines de télévisions et l’inscription de plusieurs personnalités proches, voire très proches du président Vladimir Poutine sur la liste noire de l’UE. La Hongrie aurait interdiction de revendre son pétrole et devra abandonner Droujba une fois obtenues les garanties demandées.

Elle a été discutée dimanche soir par les ambassadeurs des Etats membres à Bruxelles, mais aucun accord n’a été trouvé. Une nouvelle réunion est prévue lundi, avant l’ouverture du sommet, mais il n’est pas certain qu’elle aboutisse, confie un haut fonctionnaire européen. La Commission européenne et plusieurs états membres sont opposés à ce « cadeau » fait à Orban .

Ursula von der Leyen s’est avancée lors du forum de Davos en excluant un accord lors du Conseil . « Je ne pense pas que le sommet soit le bon endroit pour le sujet », a-t-elle soutenu. Paris et Berlin sont d’un autre avis.

« On ne peut pas imaginer que ce paquet de sanctions bloqué depuis un mois ne soit pas discuté par les dirigeants lors de leur sommet »,  s’est insurgé un conseiller. « Il n’appartient pas à Mme von der Leyen de dire aux dirigeants ce dont il doivent parler », a-t-il ajouté.

Volodymyr Zelensky s’adressera lundi aux dirigeants des Vingt-Sept par visio-conférence et personne n’imagine les dirigeants de l’UE lui avouer être incapable de s’entendre sur l’embargo sur le pétrole russe. « Le blocage de Orban n’est pas politique, il est économique. Il est inquiet pour la sécurité de ses approvisionnements et il n’obtient aucun financement. Une solution doit être trouvée », assure un négociateur. Si le sujet monte au sommet, il va déclencher des discussions houleuses et mettre à mal l’unité affichée jusqu’ présent par les 27.

Le torchon brule entre la présidente de la Commission et le Conseil européen. « Ursula von der Leyen est la présidente de la Commission. Elle n’est pas la présidente de l’Europe. Mais elle s’est parfois comportée comme si elle l’était, ou du moins comme si elle voulait l’être », souligne l’analyste Peter Ludlow, considéré comme un des mieux informé sur la place de Bruxelles.

« Elle déteste les contraintes que le Conseil lui impose. Elle et son plus proche collaborateur se sont donnés pour +mission+ » de saper l’autorité du Conseil européen », ajoute-t-il.

La charge est violente. Mais elle rejoint les informations obtenues auprès de plusieurs responsables et diplomates. « Sur l’embargo, c’est Orban qui décide et il n’a pas confiance dans la Commission », explique le représentant d’un Etat membre. « Il n’y a pas que la Hongrie. La méfiance à l’égard de la Commission est générale », assure un responsable européen.

Tous les sujets à l’ordre du jour du sommet imposent des choix difficiles et les modalités des propositions soumises par la Commission posent problème, explique-t-il.

Sur l’embargo pétrolier du 6e paquet, elle n’a pas assuré ses arrières pour que le Hongrie, la Slovaquie, la Bulgarie et Chypre ne bloquent pas. Elle a voulu passer en force et a montré n’avoir aucun sens des réalités politiques, souligne-t-il.

RePowerEU pour la sortie de la dépendance au gaz russe a été soumis tardivement aux Etats et la découverte qu’il s’agissait d’argent recyclé a provoqué un mécontentement généralisé.

Les 9 milliards d’aide macroéconomique annoncés pour l’Ukraine sont en fait des prêts, ce qui a fait bondir l’Allemagne qui a jugé « insensé de prêter à un pays en guerre qui aura du mal à rembourser ».

Quant à l’utilisation des avoirs russes gelés, « c’est très compliqué à mettre en oeuvre ».

Les effets d’annonces de la présidente et leur mise en scène commencent à sérieusement agacer dans les capitales.

Ursula von der Leyen s’est faite rabrouer sur le 5e paquet de sanctions européennes et a été priée d’attendre que les Etats membres aient pris connaissance de ses propositions pour le 6e paquet avant de les rendre publiques, et de le faire devant le Parlement européen et non avec des messages postés sur les réseaux sociaux.

Sa sortie au Forum de Davos montre qu’elle n’a manifestement pas compris qu’il s’agissait d’un rappel à l’ordre et non d’une recommandation. Elle rêve d’un second mandat à la présidence de l’exécutif bruxellois. Il n’est pas certain qu’il soit exaucé.

 

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