La solitude du président Zelensky

La solitude du président Zelensky

Volodymyr Zelensky est seul face à des choix difficiles. Le président ukrainien sait que son pays doit reprendre aux Russes tous les territoires annexés, y compris la Crimée, prise en 2014. Faute de quoi les portes de l’Otan lui resteront fermées. Il sait aussi que la contre-offensive va avoir un coût humain élevé et que la victoire n’est pas assurée.

Le soutien de l’Otan, l’alliance dirigée par les Etats-Unis, montre ses limites. Joe Biden est en campagne électorale et il ne veut pas s’engager à intégrer l’Ukraine ni envoyer davantage de militaires américains dans les pays du  flanc Est.  Le message a été passé et il mine le sommet prévu début juillet à Vilnius en Lituanie.

Volodymyr Zelensky redoute les conséquences de ce lâchage américain. Les tiraillements se multiplient entre les alliés et une certaine « fatigue » commence à poindre face aux demandes ukrainiennes. Les pressions exercées pour obtenir des chars de combats ont « mécontenté » le président Biden et le chancelier allemand Olaf Scholz, ont assuré plusieurs responsables de l’Alliance.

Mais le président ukrainien refuse de baisser les bras. « Nous voulons recevoir un message très clair indiquant que nous serons dans l’Otan après la guerre », a-t-il  averti lors de sa visite aux Pays-Bas début mai.

Il sait que Washington refuse de donner cette assurance dans la déclaration du sommet. Le texte est toujours en négociation avec l’espoir d’un déblocage lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères début juin à Oslo, en Norvège.

Il n’est pas question pour les Etats-Unis et pour la plupart des alliés d’accepter un pays dont une partie du territoire est contestée, car il pourrait entrainer l’alliance dans un conflit. D’autant que le belligérant serait la Russie, une puissance nucléaire.

Volodymyr Zelensky comprend que son pays ne peut adhérer alors qu’il est en guerre. Mais il veut entendre dire plus que « la porte reste ouverte » et que « l’Ukraine à vocation a rejoindre l’Alliance ». Il demande un engagement écrit et il a laissé entendre qu’il refuserait de venir à Vilnius « pour seulement figurer sur une photographie », a confié le représentant d’un pays allié.

Un succès militaire peut changer la donne. Oleskii Reznikov, le ministre de la Défense ukrainien, l’a expliqué dans un entretien au Washington Post. Nos alliés ont des « attentes », mais « elles sont surestimées », a-t-il indiqué.

« Je ne peux pas vous dire quelle serait l’ampleur de ce succès. Dix kilomètres, 30 kilomètres, 100 kilomètres, 200 kilomètres ? Je l’ignore », a-t-il insisté. Idéalement, une contre-offensive libérerait non seulement des villages et des villes, mais elle « couperait aussi les chaînes logistiques des troupes russes et réduirait leur capacité offensive », a-t-il cependant  souligné.

Volodymyr Zeleznky ne veut pas se laisser forcer la main. Les préparatifs pour la reconquête sont tenus secrets et très peu de membres de son premier cercle savent quand, où et avec quelles forces les Ukrainiens vont passer à l’action. L’Ukraine plonge la Russie « dans le brouillard », explique le quotidien le Monde .

Mais les doutes émis à Washington sur la capacité des troupes ukrainiennes de balayer les forces russes commencent à saper le moral. Le chef de la diplomatie britannique James Cleverly s’est joint aux cassandres: « L’Ukraine ne réussira peut-être pas une percée simple, rapide et décisive lorsqu’elle lancera sa contre-offensive. nous devons être réalistes. C’est le monde réel. Ce n’est pas un film hollywoodien. Les choses sont compliquées. Les choses sont désordonné, les choses sont difficiles. Les choses vont devenir effrayantes. », a-t-il averti lors d’une intervention devant le Atlantic Council à Washington .

Plus de 40.000 combattants ont été formés et entrainés en Europe et au Royaume Uni. Les alliés leur ont fourni 230 chars de combat, dont des Léopard de fabrication allemande et des Challengers britanniques, 1.550 véhicules blindés et de l’artillerie.

« Les forces armées ukrainiennes ont reçu 98% des matériels promis afin d’équiper neuf nouvelles brigades blindées », a précisé le secrétaire général de l’Otan , Jens Stoltenberg. « Ils ont les capacités dont ils ont besoin pour reprendre davantage de territoires », a-t-il soutenu.

Mais tout n’est pas encore arrivé. Les chars de combats Abrams promis par les Etats Unis ne seront pas livrés avant l’automne et les munitions arrivent très lentement. Les Européens ont promis un million d’obus et des missiles pour les systèmes ce défense anti-aérienne et antichars, mais fin avril, ils n’avaient livré que 40.000 obus et un millier de missiles.

Les forces ukrainiennes ont besoin de beaucoup plus de capacités. Volodymyr Zelensky réclame des avions de combat moderne, type F-16 et des canons à longue portée.

Ces armes lui sont pour le moment refusées, car les alliés redoutent leur utilisation pour frapper le territoire russe et une escalade en rétorsion de la part de Moscou avec notamment l’usage d’une frappe nucléaire tactique.  Cette thèse hante les diplomates de l’Otan et elle est relancée par Sergueï Jirnov, un ancien du KGB, dans son livre « l’Escalade »

Washington contrôle les fournitures d’armes à l’Ukraine via le groupe de Ramsteim et les limite aux armements destinés à défendre le pays, ont expliqué les diplomates de l’alliance.

La capacité de frapper en profondeur a empêché les forces ukrainiennes de repousser les troupes russes hors du territoire contrôlé sur la rive gauche (est) du Dniepr après avoir libéré la ville de Kherson.

Les Russes ont retiré tous leurs postes de commandement, dépôts de carburant, dépôts de munitions, à plus de 120 kilomètres. « C’est pourquoi nous avons besoin d’une portée de 150 kilomètres », explique le président ukrainien.

« Nous allons mener des actions offensives et nous obtiendrons alors les avions », a-t-il assuré à La Haye.

Seule la libération de tout territoire ukrainien sera considérée comme un succès, soutient le président ukrainien. Mais « il leur sera difficile de tout reprendre », a estimé notre interlocuteur.

« Il ne faut jamais sous-estimer la Russie. Les forces russes peuvent manquer de qualité, mais elles se rattrapent sur la quantité et Moscou continue à mobiliser plus de personnel », met en garde Jens Stoltenberg.  Quelque 500 000 soldats russes sont actuellement concentrés en Ukraine, dont au moins 300 000 à l’intérieur du territoire ukrainien, selon les données fournies par Oleskii Reznikov.

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