Les derniers feux de « Queen Europe »

Les derniers feux de « Queen Europe »

Le discours annuel sur l’Etat de l’Union européenne est un exercice imposé pour tous les présidents de la Commission. Le premier du mandat, un mois après sa désignation, lui permet de présenter sa vision, ses projets, son ambition. Le dernier, quatre ans plus, tard, est celui du bilan et il lance la campagne pour les Européennes . Nommée en 2019, mais très mal élue, l’Allemande Ursula von der Leyen est en bout de course et son dernier discours n’a pas convaincu. Elle a dressé un inventaire et donné le sentiment de vouloir rendre les clefs du Berlaymont.

« La présidence von der Leyen entrera dans l’histoire comme une commission + accidentelle + ».  Commentateur averti de la vie européenne, Alberto Alemano est cruel, mais il frappe juste. « Après avoir été choisie accidentellement comme présidente de la Commission, la présidence de Mme Von der Leyen a été essentiellement une « commission de gestion de crise » permanente qui a été guidée non seulement par les événements, mais aussi par les décisions prises par les dirigeants de l’UE-27 au sein du Conseil européen », a-t-il souligné dans un commentaire posté à la fin de son intervention devant le Parlement européen réuni le 13septembre à Strasbourg pour la plénière de la rentrée.

Ursula von der Leyen a perdu la main. Son dernier discours était très attendu, mais la présidente du Parlement, la Maltaise Roberta Metsola, lui a volé la vedette avec un entretien accordé la veille à plusieurs média au cours duquel elle a dénoncé les effets négatifs d’une politique environnementale trop affirmée. Un tacle de la part de l’autre présidente  de « la famille » du Parti Populaire Européen (PPE), très remonté contre la « dérive » écologique de la présidente de la Commission.

Son allocution a été longue, très longue, sans doute trop longue. Commencée en retard dans un hémicycle très clairsemé, elle a duré plus d’une heure et a manqué son objectif, malgré quelques annonces . Elle avait pourtant bien commencé avec un appel pour les Européennes de juin 2024. « Il nous faut d’abord gagner la confiance des Européens pour répondre à leurs aspirations et à leurs angoisses et dans les 300 prochains jours, il nous faudra impérativement terminer le travail qu’ils nous ont confié », a-t-elle averti. Làs, elle s’est ensuite lancée dans un interminable laïus géo-économique débité sur un ton monocorde si peu attrayant que nombre de membres de l’assistance ont été surpris en train de pianoter sur leurs portables pour tuer le temps. Pas un mot sur la menace que constitue la montée des populismes, des formations d’extrême-droite et des partis anti-européens. Rien sur les Etats-Unis, également en période électorale, et les conséquences d’un retour au pouvoir d’un président Républicains hostile à l’Europe en 2024. Ce manque de vision et de mise en perspective est surprenant et décevant.

Le débat qui a suivi a été marqué par quelques moments forts. Un des derniers ténors du parlement, l’ancien Premier ministre libéral belge Guy Verhofstatdt, a fait ses adieux et il n’a pas mâché ses mots dans son analyse très critique de l’intervention de Mme von der Leyen. Il a déploré n’avoir rien entendu sur la Défense européenne et lui a dit être en « total désaccord » avec son approche pour le nouvel élargissement à l’Ukraine, la Moldavie et six pays des Balkans occidentaux. « Pouvez-vous imaginer une Europe à 35 membres sans remodeler la Commission et avec la règle de l’unanimité intacte ? Totalement irréalisable ! Si nous ouvrons des négociations avec les États membres candidats, nous devons également ouvrir le débat sur la réforme des traités », a-t-il affirmé.

Le second moment a été le virage de Manfred Weber, le président du PPE et du groupe du PPE au Parlement. Choisi en 2019 par la famille pour présider la Commission, il a très mal vécu le véto du président français Emmanuel Macron sur sa nomination et a reporté sa rancune sur Ursula von der Leyen, sa compatriote, considérée comme une usurpatrice.  L’hostilité montrée par les élus PPE a échaudé Ursula von der Leyen, peu convaincue par l’idée de briguer un second mandat. Les réunions avec le groupe PPE au Parlement ont été un calvaire pendant quatre ans,  ont raconté plusieurs participants. Paris et Berlin soutiennent un bis, mais Ursula va exiger des garanties avant de s’engager et elle veut un vrai soutien du PPE.

Entendre Manfred Weber saluer son leadership a surpris. Tout comme ont décontenancé les compliments adressés à Iratxe (Garcia Perez) et Stephane (Séjourné) , ses homologues présidents des groupes Socialiste et Renew (Liberal) après des mois de conflits et de virulentes critiques. En fait, personne n’est dupe. La volte-face relève de la realpolitik. Critiqué au sein du PPE pour sa politisation des relations au sein du Parlement européen, en rupture avec une longue tradition de compromis,  sa présidence du groupe est contestée et il pourrait perdre un de ses mandats lors du congrès du Parti  en mars 2024 à Bucarest.  La présidente du groupe socialiste le sait et elle l’a recadré. « Monsieur Weber, vous avez commis une erreur historique en recherchant l’alliance entre la droite et l’extrême droite. Vous ne pouvez pas maintenant appeler  à une +majorité von der Leyen+  et chercher d’autres majorités dans cette assemblée », a-t-elle lancé, très applaudie .

La campagne pour les Européennes a bel et bien commencé le 13 septembre à Strasbourg . Tous les sujets sont sur la table et un affrontement se profile entre pro et anti-européens, dont les forces augmentent avec le renfort des déçus de l’Europe. Ursula va devoir faire un choix: la retraite ou livrer bataille.

 

 

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